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magicien et homme-marionnette au chevet du double funéraire 

En pays Gourounsi, la célébration des funérailles comporte trois étapes : la sortie du double funéraire, les grandes danses et la rentrée du double funéraire. Le double funéraire est ici  une sorte de marionnette de chiffons,   un assemblage d’objets recouvert de cotonnades et dont la forme rappelle le corps du mort (Byan, 1971/72 : 7-12) : 

 

Toutes les femmes du village ont beaucoup de travail la veille de la sortie de ce pseudo-corps : laver le linge, piler le mil pour le repas des invités, préparer le dolo dont la fermentation doit coïncider avec le jour des grandes danses.

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Au crépuscule, un chien et un coq sont immolés au pied du carquois du défunt qui est ensuite exposé à l’entrée de la concession. Accompagnée de tambours, lamentations, jets de cauris, cette marionnette de chiffons est ensuite transportée  jusqu’à la place publique où elle est installée dans un petit hangar monté à cet effet.

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Le plein-air  va bien aux marionnettes africaines.

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Une atmosphère de  mystère enveloppe l’espace de la veillée funèbre éclairé par quelques foyers, des torches et sans doute l’électricité utilisée de plus en plus souvent. L’acteur principal, ce pseudo-corps,  est là immobile dans son « petit castelet », lieu souvent inédit en Afrique mais très adapté aux conditions locales ;   autour de lui, les hommes  s’agitent. Ils dansent, chantent ses louanges, lui jettent des cauris, lui font des dons, des sacrifices….Les réjouissances dureront encore toute la journée du lendemain en son hommage. Il faut égayer l’esprit du mort, de cette façon il plaidera en faveur des vivants auprès des morts.

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Mais pour le bon déroulement de cette seconde étape de la cérémonie, l’organisateur a  recours à un grand magicien, souvent aussi marionnettiste en Afrique.  Le tour de magie qu’on lui demande ici est de réussir à neutraliser l’action néfaste de certaines flèches dites invisibles et d’empêcher que de violentes bagarres éclatent. Ces flèches invisibles peuvent être empoisonnées et employées  à distance par  des magiciens méchants pour rendre malades ou même tuer ceux avec ils sont en inimitié. Dans toute cette foule,  certaines rencontres peuvent déplaire aux détenteurs de « magie noire ».

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Alors durant toute la fête, depuis les premiers coups de tambours jusqu’aux dernières  danses dans la nuit, le grand et bon magicien, agent du maintien de l’ordre, se fait vigilant. Installé sur une terrasse, face au lieu de déroulement des danses, il surveille attentivement ce qui se passe en bas, prêt à gober éventuellement toute flèche invisible. De nombreuses croyances circulent à propos des pouvoirs magiques du marionnettiste comme celui de changer les hommes en singe, en serpent… et on se méfie de lui.

 

Le lendemain des grandes danses, vers huit ou neuf heures, a lieu la rentrée du double funéraire,  précédée  de sons de tambours. Les joueurs se placent à côté du pseudo- corps, face à l’ouest. Puis, tous en même temps, ils tapent sur leurs instruments à plusieurs reprises, avec une intensité allant décroissant. Ce jeu est fait trois fois. Ensuite les fossoyeurs enlèvent ce faux cadavre de son hangar et, le portant au bout de leurs bras, se dirigent vers la maison mortuaire, dans une marche accroupie. Cette marche, cadencée par la musique des tambours et des flûtes, est aussi accompagnée de nombreux coups de fusils assourdissants. Les derniers cauris, les dernières pièces  ou les derniers billets jetés font la joie des enfants.

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Le plein-air  va bien aux marionnettes africaines.

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A Koudougou,  c’est la natte que l’on considère comme étant le corps du défunt (Yameogo, sd. : s.p.) :

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Le Tengsoaba (chef de Terre Mossi) enseveli, les fossoyeurs rentrent à la concession avec  une  sorte de natte cousue avec de la paille (songo) avec laquelle  il a été transporté dans la tombe et entament une danse macabre.

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« Une fois la natte enveloppée dehors, tous poussent des cris perçants comme feraient des Indiens en signe de guerre. Le premier fils remet un poulet au  Soukotienma  (celui qui tient le fétiche Sounka),  qui l’égorge sur la natte. Ce premier poulet est dépourvu de tête et lancé par-dessus le mur. Le fossoyeur devait attendre ce poulet par derrière. Lorsqu’il le reçoit, il doit rester comme une statuette c’est-à-dire qu’il ne doit plus regarder  ni derrière, ni à côté  mais en face de lui. »

 

Alors le fossoyeur devenu homme-marionnette,  avec dans les mains ce poulet sans tête, se fige soudain, comme un dieu,  pour observer le déroulement des cérémonies : les sacrifices des villageois,  poulets, chiens, moutons, chèvres, égorgés sur cette natte que l’on considère comme étant le corps du défunt accompagnés par  les tam-tams, les danses guerrières et les cris de l’assistance. 

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Chaînon manquant indispensable à ce faux corps qui doit renaître, l’homme-marionnette apparaît, comme souvent en Afrique, à un moment important de la vie. Au cours de cette étape incontournable,  les cérémonies  finies, il  s’animera et accompagnera la natte représentant le défunt sur le chemin de la mort à la vie. (Darkowska, 1998: 61/62)

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L’enterrement terminé, la natte est brûlée.

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© Anita Bednarz 2020
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