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Marionnette de Vicky TSIPLONOU/Photo  jpegPEG A. BEDNARZ Avril 1999 Lomé TOGO
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Préambule

Partout dans la culture humaine, en Asie, en Inde, à Java et Bali, en Birmanie, en Amérique du Sud, en Occident.., poupées, statues, figurines, bois,   mannequins, masques, marionnettes, mais aussi squelettes et cadavres animés par l’homme, souvent grossièrement articulés, ont exercé ou exercent encore un pouvoir de fascination  très ancien. Ils assurent le  lien avec  le sacré. Magie, rituels, aura religieuse permettent d’atteindre et d’exprimer les mythes, les êtres et les entités irréels. A travers les croyances partagées, c’est une vision de l’homme, de son destin, ses aspirations, sa morale qui sont appréhendés et parfois revendiqués depuis l’Antiquité. 

 

En Egypte, les statues animées à l’effigie des dieux sont considérées comme marionnettes. Hérodote (484/424) décrit les fêtes d’Osiris dans le second livre de ses Histoires et parle de  figures d’environ une coudée de haut qu’on fait mouvoir avec une corde. 

 

C’est en Grèce que  la marionnette perd son caractère religieux. La manipulation glisse progressivement vers l’amusement des enfants et des adultes.  A Rome, les spectacles de marionnettes étaient aussi populaires. Horace, Pétrone, Apulée y font allusion tandis que les Pères de l’Eglise les condamnent. Dans le Festin chez Trimalcion, une figure en argent représentant l’esprit d’un mort (larva) exécute une danse macabre sous les yeux des convives. Ce sont les Romains qui auraient introduit les marionnettes en Gaule et en Germanie… … et pur si muove ….

En Afrique, la marionnette  traditionnelle aux multiples significations et fonctions rituelles, religieuses et  sociales, côtoie depuis longtemps des formes profanes  anciennes, proches des marionnettes que nous connaissons. Elles ont été signalées çà et là  dès le 14è siècle.

 

A la fin du 18e siècle, des récits  d’explorateurs,  de gouverneurs, d’administrateurs coloniaux (Maurice Prouteaux, Maurice Delafosse) et plus tard d’auteurs (Charles Béart, Bernard Dadié)   décrivent  "des pièces mais aussi des formes profanes proches de nos marionnettes   souvent difficiles à nommer et à classer  parmi nos catégories européennes", relevées par Henri Labouret.

Le personnage de Tapioca, ce Tchitchavi populaire au Togo et au Bénin ainsi que des marionnettistes  jouant en solo sont signalés dans les villages togolais à la fin du 20e siècle.

Les cultures européennes, imprégnées de christianisme et de rationalisme représentent les valeurs universelles dans beaucoup de pays jusqu’au milieu du 20ème siècle et  bien des interprétations contradictoires  naissent sur  ces sociétés africaines. Les  observations approfondies  de Maurice Delafosse ou de Léo Viktor Frobenius   atténuent la vision négative, voire le mépris,  de l’Occidental sur  les cultures et l’histoire africaines qui, peu à peu,  deviennent des lieux de recherche et d’inspiration pour une meilleure connaissance des peuples. Le relativisme culturel né de l’anthropologie de terrain  affaiblit davantage une politique coloniale encore assimilatrice.

Les dix-sept états francophones d’Afrique Noire  qui accèdent à lIndépendance (1958-1960), abordent  de manière inégale  les Arts du Spectacle. 

Dans un  premier temps, le théâtre comme la marionnette,  restent très influencés par l’Occident dans leurs expressions (théâtre écrit en français ou en anglais) et dans leurs techniques (Guignol ou Punch pour la marionnette…).

L'école William Ponty (crée à Saint-Louis du Sénégal en 1903)  a formé, avant l'ère des Indépendances, la plupart des instituteurs, médecins et cadres d'Afrique de l'Ouest dont de nombreux ministres et chefs de gouvernement qui   infléchissent la politique culturelle des pays ; tout comme des universitaires,   devenus dramaturges, formés en Europe,  qui rentrent au pays. Sensibilisés par les questions politiques, ils ont souvent acquis une culture marxiste ou socialiste et souhaitent participer au mouvement des Indépendances. 

Des politiques culturelles  sont  initiées un peu partout en Afrique de l’Ouest, avec plus ou moins de moyens mais une grande volonté identitaire.

 

Sur ce terreau favorable et sous l'impulsion plus ou moins forte des gouvernements, des compagnies nationales se créent et les troupes amateurs sont encouragées. Des compagnies européennes tournent un peu partout .

Au Togo le maître de marionnettes Danaye Kanlanfeï   fait connaître la marionnette africaine  au niveau national et international, comme l'ont fait le Ghana et le Nigéria, sous influence anglaise.

Dieux, ancêtres divinisés, esprits protecteurs ou malfaisants, animaux mythiques, fantastiques habitent le monde du maître.

Ses marionnettes   sont  les descendantes naturelles des Tchitchili de jadis (marionnettes sacrées ou petits dieux). En 1978, il crée la Troupe Nationale de Marionnettes du Togo et rapidement, il multiplie stages, formations à l’étranger et rencontres internationales (1988 : Ateliers Rencontres Africaines/Rencontres Européennes à Charleville-Mézières).

ABurkina Faso, l'homme de théâtre  Jean-Pierre Guingané  remet au goût du jour la tradition des carnavals en vogue dans les colonies anglaises (Ghana) en mettant sur pied, en 1989, le Festival bi-annuel de  Théâtre et de Marionnettes de Ouagadougou (FITMO) ;  d’abord en formant les acteurs à la marionnette occidentale via  stages et  collaborations avec le marionnettiste français Gilbert Pérez puis en fédérant  les deux jeunes compagnies existantes (Théâtre de la Fraternité et l’Atelier Théâtre burkinabé) que lui-même et Prosper Kompaoré (aussi homme de théâtre) ont créées une fois leurs études finies en Europe.

C’est sans doute à cause de ce souffle nouveau que l’on dit  que l’art de la marionnette africaine est récent et que  cette dernière période, profane, née d’une pratique spectaculaire, semble uniquement vouloir être retenue pour commencer à écrire une histoire  que seul le mot marionnette  détermine....

Parce qu’au même moment, au Togo comme au Burkina Faso (Haute-Volta), masquesmarionnettes et leurs nombreux avatars, fétiches, effigies, poupées, statues …enracinés sur le continent africain depuis des temps immémoriaux, accompagnent toujours  les hommes au cours de nombreuses cérémonies de la vie quotidienne qui se réinventent  dans un cadre semi-traditionnel, mystique, resté en partie secret et sacré.

Connaître la tradition sert à mesurer l’écart entre l’animation de la statuaire essentiellement tournée vers le monde des esprits, des génies et des morts, et  la pratique  spectaculaire  qui révèle  un aspect quasi-historique.

Ce sont des matériaux, dont certains  glanés   au cours de  cette période  entre le 20 e et le 21e siècle, que nous partageons à la réflexion.

 

 

 

© Anita Bednarz 2020
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