Cabrioles avec les Dou
​
Si on porte l’attention sur l’imbrication du masque, de la marionnette et du travesti, on se retrouve avec les dou. Ceux-ci font l’objet d’une description ancienne, datant du 25 avril 1888, dont l’auteur est le Capitaine Louis Gustave Binger. Les scènes qu’il relate se déroulent à une quarantaine de kilomètres à l’est/nord-est de Bobo-Dioulasso, au village de Kotédougou (Burkina Faso), habité par les Bobo-Fing, les Bobo-Dyula (Dafing), et les Fulbé. Voici ce que le célèbre explorateur écrit :
​
En approchant du village [de Kotédougou], je fus frappé de l’animation qui régnait aux abords ; je me demandais ce que cela signifiait, lorsque Diawé, qui a meilleure vue que moi, me dit : "Ici, ma lieutenant, jamais des dou qui fini", ce qui dans son langage veut dire : Il ne manque pas de dou par ici.
​
Il y en avait, en effet, partout, autour des cases, sous les arbres, dans les champs, dansant, faisant la roue, marchant sur les mains et courant de temps à autre après les spectateurs.
​
J’avais déjà vu de ces êtres grotesques à Dioulasou ; je vais dire ce que j’en sais :
​
Les dou sont des individus ridiculement déguisés, portant des vêtements sur lesquels on a cousu du dafou (chanvre indigène), des fibres et des feuilles de palmier ban ; comme coiffure, ils ont un bonnet ou une calotte également en dafou, surmonté d’un cimier en bois rougi à l’ocre, ou quelquefois muni d’un bec d’oiseau également en bois. Deux trous sont ménagés dans la calotte pour les yeux.
​
Ces dou sont abreuvés gratuitement de dolo [bière indigène] par la population, qui leur fait cortège ; nuit et jour ils circulent dans le village, dans les champs, et rossent d’importance les gamins et quelquefois les grandes personnes, quand ils en rencontrent d’assez naïves pour avoir peur d’eux. Habillés de la sorte, circulant par la grande chaleur et buvant force dolo, on a vu de ces individus devenir ivres furieux et assommer des gens à coups de trique.
​
C’est une coutume des Bobo : à la nuit tombante et au petit jour, les hommes suivent les dou en chantant en chœur à pleins poumons un air grave qui n’est pas sans harmonie. Malheureusement ce chant est entrecoupé par des cris de bêtes féroces que pousse ce peuple à demi sauvage.
​
Cette promenade des dou n’a lieu que rarement. Les Mandé, qui ne sont pas observateurs, ne m’ont pas renseigné, mais je crois pouvoir affirmer que c’est surtout à l’entrée de l’hivernage qu’ont lieu ces cérémonies. Pour eux, les processions dans les lougans [champs] ont peut-être pour but d’en chasser les esprits malfaisants au moment de la culture, ou bien encore de faire pleuvoir. (Binger, 1980 : t. 1, p. 378-379)
L’évocation des cimiers sculptés, surtout des becs d’oiseaux en bois, ne laisse pas indifférents les amateurs des marionnettes africaines : celles-ci étant souvent portées sur la tête et représentant des oiseaux.
​
​
​