Des objets qui représentent le mort pas encore tout à fait parti
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La sortie du carquois et des arcs, symboles du chasseur-agriculteur et la sortie du ou des paniers funéraires de la femme (3 dont celui des parents à plaisanterie) qui représentent le rang du défunt dans la communauté sont le cœur d’une sorte de théâtre d’objets au moment des funérailles chez les Mossi (Ouadrego, 1969/70 : sans pagination) :
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La cérémonie du Concouko se déroule trois, six ou douze mois après l’enterrement. La date fixée dépend des moyens financiers de la famille, prête alors à affronter toutes les dépenses nécessaires au bon déroulement des cérémonies de ce kouré : dolo (bière de mil ou de sorgho), nourritures offertes aux étrangers venus pour la circonstance (bœufs, moutons) ainsi qu’aux âmes des défunts. Celle du défunt qui rôdait jusque-là autour des vivants, est maintenant autorisée à rejoindre les ancêtres ; elle peut prendre toutes les provisions qui lui sont nécessaires. Une fois partie, les habitants du village retrouveront la paix. La plantation du ganlouko est le moment le plus important de la fête :
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A cette occasion, les hommes issus des parents femmes de la famille plantent dans les champs, un bâton surmonté d’une tête de chien tué pour la circonstance. Autour de ce bâton, on dépose les armes du défunt. Les koubissi apportent des canaris de dolo autour du ganlouko où ils passent la nuit. Le lendemain, dimanche soir, tous les archers du village sont invités avec des carquois et lances pour clore cette cérémonie ainsi que le couré. On plante une grande jarre préalablement remplie de dolo. L’un des oncles maternels, le yassin kema ordonne qu’on dirige les flèches vers l’est. Un crieur public en même temps que tout le monde ordonne aux enfants d’aller ramasser les flèches. Le couré et danses sont pratiquement terminés. C’est le tour des cérémonies familiales…
Après l’enterrement, la croyance en la présence de l’âme du défunt justifie le culte du bâton. Celui-ci désigne un ensemble d’objets familiers ayant appartenu au défunt principalement l’arc, le carquois et le fusil quand il s’agit d’un homme et s’il s’agit d’une femme, ces objets sont constitués d’un bâton et d’une calebasse. Tous deux se déplacent toujours avec ces objets. Avant que le conseil de féticheurs ne se réunisse, l’âme du défunt planera toujours sur ses objets à qui l’on servira repas et boissons...comme on le ferait pour des êtres surnaturels que l’on voudrait contraindre par des sacrifices, des danses, de la musique, des jeux… à quitter le village afin de dominer la force errante susceptible de détruire à tout moment une harmonie précaire.
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Le ganlouko fait penser à une marotte au pied de laquelle sont déposés des accessoires, porteurs de messages vers l’au-delà parfois difficiles à comprendre de l’extérieur. Ces objets concentrent beaucoup de force mystique et semblent destinés à un public averti. Bâton, flèches et leur carquois sont des attributs de pouvoir traditionnel et de prestige ayant appartenu au défunt. Dans cet inventaire inépuisable du théâtre de marionnettes africaines, statuettes et marottes se composent la plupart du temps d’un bâton surmonté d’un collet de fibres, d’une mâchoire articulée d’animal ( comme un petit masque), d’une figure sculptée… qui jouent, dansent ou virevoltent…Ici la tête de chien emmanchée sur un bâton immobile, joue le rôle de gardienne protégeant les hommes, les champs, les villages…Tirées vers l’est, les flèches des archers chassent l’âme du défunt et ses emblèmes vers le pays des ombres.
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Les hommes tentent d’établir des correspondances avec le monde invisible à l’aide d’objets symboliques, incongrus. Comme pour les surréalistes, l’existence de ce double niveau de réalité permet d’atteindre une réalité plus grande qui intègre tous les modes de fonctionnement de l’esprit et de retrouver la magie du monde.
Toujours chez les Mossi quelques jours après l’enterrement de l’Empereur Naba-Saga (Niliem, 1951 ou 1961 : 5-6) :
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le YIidjiligri (yiri = maison et djiligri = tour) est marqué de grandes réjouissances. L’âme du défunt est chassée au cours d’une scène pittoresque donnant ici l’illusion qu’’une véritable guerre lui est déclarée. Y prennent part le fils et la fille aînés du défunt, de manière inversée, pourrait-on dire : la fille tentant de retenir son frère (donc son père) parti en guerre contre cette âme défunte en retenant la queue de son cheval.
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Devant le palais royal, l’on peut admirer des quantités de danseurs de Ouaraba (Ouareb-Saodéba) qui, au son des tambours (gangando et loumcé, petits tambours d'aisselle rivalisent de compétence.La foule se pavane, habillée de riches vêtements et attend le début des réjouissances. Le Kam-Naba de Bilbalogo a soin de placer autour de la concession, des fusiliers qui tireront des coups de fusils quand le fils aîné du roi (Nabikinga) fera les trois tours exigés par la coutume qui marqueront la fin des pouvoirs qu’avait le défunt. Les coups de fusils chasseront l’esprit (kima) de ce dernier s’il s’avisait à revenir sur les lieux. Vers seize heures, le Nabikinga fait son apparition. Il est monté sur un cheval bien nourri et richement harnaché. Il est habillé d’un riche boubou teint à l’eau de siga (écorce d’un certain arbre qui donne au vêtement la couleur mauve kaki) et d’un bonnet de la même couleur. Boubou et bonnet sont couverts d’amulettes protectrices (seba). Il porte à l’épaule un arc (tapo) et un carquois (loko) volumineux rempli de flèches ; De sa main droite, il tient un grand sabre (zangoego) ; Il prend un air farouche et sanguinaire. Il est suivi d’un groupe de cavaliers armés comme s’ils se rendaient à une attaque. Le ministre de la guerre (Tapsoba), armé jusqu' aux dents, couvert de grigris, coiffé d’un bonnet tissé avec des coquillages, plus farouche encore que les autres cavaliers, prend le devant de la troupe. Il est suivi du Nabikinga, de Kam-Naba, et des chefs qui sont encore aptes à faire des exhibitions à cheval. La fille aînée du roi défunt (Nabiking-poika), tient la queue du cheval de son frère aîné. Elle la tiendra pendant les trois tours de la maison royale. C’est assez pénible pour elle, elle doit suivre le cheval en courant à pied et si par malheur, elle trébuche, sa vie est en danger. Aussi, est-elle secondée dans sa tâche, par ses autres sœurs, qui en cas de défaillance, doivent l’empêcher de tomber. A la fin du troisième tour, son frère lui offre en récompense le cheval sur lequel il était monté mais aussi une servante.
Les objets, d’utilitaires sont devenus medium et poétiques. Ils protègent de l’oubli et par leur intermédiaire, ils permettent à l’homme d’accéder au merveilleux d’une vérité cachée qui modifie sa façon d’interpréter le monde qui l’entoure. Leur mise en représentation sociale n’est pas sans rapport avec la représentation théâtrale et marionnettique. Dans cet espace, il n’y a pas de différence entre les acteurs et les spectateurs. Ici, les « acteurs » donnent chair à leur vision du monde non pas en brisant des conventions mais en restant dans les leurs.
C’est une mise en scène de la vérité de l’être, une ouverture vers un théâtre total (cher aux surréalistes) non une copie de la réalité. Ils donnent à voir un espace mental auquel le public participe, une représentation de l’être humain, une mythologie où l’homme a son unité. La représentation se situe au niveau du sensible et de l’intouchable sur un terreau de codes partagés, elle est le lien entre l’homme et les dieux.
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