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en avant les marionnettes !

Dans de nombreux spectacles, les marionnettes accompagnent les masques. Et il arrive qu’elles les devancent. Nous retrouvons cette configuration chez les Bolon (sud-ouest du Burkina Faso). Elle nous a été signalée par  Guy Le Moal, éminent spécialiste de leurs masques et témoin oculaire des faits.

 

Une importante sortie des masques est annoncée chez les Bolon. Longtemps attendue, elle débute, à la grande surprise du témoin, par une entrée des marionnettes, dont la présence n’a pas été signalée auparavant. Formant un cortège, celles-ci défilent en plein jour, portées l’une après l’autre, chacune se dressant sur un lit de fabrication locale maintenu en hauteur. Elles dominent les têtes des spectateurs, faisant montre d’une gestuelle sobre, voire symbolique, qui consiste essentiellement à pointer les bras vers le ciel.

 

Tous ces personnages figurent des masques. Ils sont composés d’une ossature cachée sous un vêtement de couleur rouge que surmonte un visage de bois. Celui-ci est d’une dimension inhabituelle : plus grand qu’un masque dit « passeport » et le pendentif le représentant, et plus petit que ce même masque destiné à être porté par un homme. Ce volume intermédiaire  leur est manifestement réservé.

 

Il y a un montreur par poupée, invisible, caché en partie sous un tissu et partiellement glissé dans le costume du postiche. Il manipule en position peu confortable, se tenant à demi couché.

 

Il faut souligner que toutes ces marionnettes sont à l’image des masques initiatiques (notamment du masque à six cornes). Sont-elles leur double ou leur modèle ? Les introduisant en ouverture du spectacle, les Bolon veulent-ils souligner leur ancienneté ou, au contraire, démontrer leur nouveauté ou en quelque sorte leur jeunesse ?

 

On se rappelle à ce propos que, d’une part, les  artistes les plus jeunes et les moins habiles ouvrent souvent le spectacle, et que d’autre part, il peut s’affirmer ici une priorité dont jouiraient les ancêtres en marionnettes. La réponse ne nous est pas donnée, appartenant évidemment aux grands initiés bolon.

 

Plus récemment mais toujours chez les Bolon, Guy Le Moal signale un autre type de pantin portant le nom de pete. Considéré par l’anthropologue comme un « masque marionnette », ce pete paraît très important : il possède son cortège et produit un effet véritablement éblouissant. Le personnage porte un habit rouge et une écharpe en tissu rayé ; deux touffes de fibres végétales imitent ses mains (les bras étant cachés sous les manches de la robe) ; sa tête est faite d’un petit masque sans cornes recouvert de plaques de cuivre martelé. C’est justement en parlant de pete la marionnette et des masques bolon ornés de métal brillant que Guy Le Moal (2008 : 122) constate  que « les rayons du soleil embrasent ces faces de métal animées par les mouvements frénétiques de la danse ».

 

Nous connaissons bien ces poupées et ces masques resplendissant au soleil : ils ont leur berceau dans l’ancien empire du Mali. On sait que les Bolon, (même s’ils occupent actuellement le même territoire que les Bobo) ont des racines mandé (ou mandingues). Ce fait suffit pour expliquer le style et l’originalité de leur théâtre de marionnettes.

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© Anita Bednarz 2020
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