la marionnette contemporaine
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le domaine de la marionnette dans l’histoire théâtrale togolaise semble inconnu avant la création, en 1978 par Danaye Kanlanféï, du Théâtre National de Marionnettes du Togo. Le contexte de son œuvre n’est pas banal.
c’est un stage artistique à Lomé en 1975 qui lui révèle que seule l’articulation manque à ses fétiches. Sur scène et avec l’autorisation des Anciens, en compagnie des masques, au rythme de la musique et des chansons de la culture Gourma du nord Togo, ils habitent le monde du Maître.
connaître la tradition sert à mesurer l’écart entre l’animation de la statuaire essentiellement tournée vers le monde des esprits, des génies et des morts, et le spectaculaire qui révèle alors un aspect quasi-historique.
en avril 1987, Olenka Darkowska-Nidzgorski recueillait le témoignage suivant de Danaye Kalanféï :
Toute ma vie rien que des marionnettes
Le Peul retourna dans la maison, donna des ordres et toute la maison se réveilla. Tout le monde voulait voir cet enfant et cette mère qui avait su accoucher toute seule. L’enfant fut lavé, enveloppé dans de nouveaux pagnes en coton et transporté dans une case préparée à cet effet.
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Une commission fut envoyée à Gbalikame Bidingue, fils de Yent-chare, qui piqua une colère terrible : car polygame, il était le père de famille nombreuse ; que ferait-il de cet enfant ? Cette femme n’a jamais donné un enfant qui vive longtemps, qu’elle le garde et reste où elle voudra !
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Le huitième jour, on sortit le petit Djanwale Kanlanféï. On creusa un trou dans le dépotoir, cet endroit où l’on jette toutes les ordures ménagères, on l’enterra jusqu’au cou et on le laissa ainsi pendant quelques instants. Le vieux Peul fit des cérémonies, jeta quelques cauris et quelques piécettes de monnaie sur le dépotoir et déterra l’enfant qui souriait toujours.
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Mon enfant, aujourd’hui tu es devenu mon esclave : je t’ai acheté à la mort. Tu porteras mon nom de Kanlanféï et personne ne te honnira .
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Depuis ce jour Kanlanféï Djanwale grandissait. Bien nourri du lait maternel et de lait de vache. Trois ans après, il courait partout. Mais cette année-là, en 1952, la mère devait quitter le village de Kpégui pour rejoindre la ville de Dapaong où était son foyer conjugal. Cependant on lui refusa l’entrée de la concession, car Gbalikame, le père de son enfant, avait juré sur une calebasse qu’il ne reverrait plus jamais ni la mère ni l’enfant. Mais il était gravement malade et on fit intervenir les sages qui obtinrent la levée du vœu. Nagbani et son fils purent regagner le foyer. Le troisième jour Gbalikame mourait…
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La mère et son enfant furent accusés. Les uns disaient :
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Ce n’est pas une naissance ordinaire. Rappelez-vous le jour de sa naissance. Cette tornade qui a fait tant de victimes innocentes ; c’est un tchitchilik, un esprit !
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D’autres se bornaient à dire :
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Il n’y a qu’à le voir : potelé, toujours souriant, on dirait qu’il chante tout le temps. Cet enfant est étrange !
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Après un an de veuvage, la mère se remaria et, de ce mariage, elle accoucha de jumeaux.
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Le petit Djanwale grandissait. Une fois par mois, Nagbani le ramenait à Kpégui rendre visite aux Peuls, ses parents adoptifs. Elle ne vivait que pour lui, car elle avait perdu, entre temps, ses derniers jumeaux.
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Sept ans après, on devait emmener Djanwale à l’école primaire de Dapaong. La mère s’y opposa :
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Non, laissez-le-moi, je ne vis que pour lui, ne nous séparez pas ! Sinon, je mourrai !
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Elle ne fut pas entendue. Et le 1er octobre 1956, le petit Djanwale fut envoyé à l’école où il prit le nom du petit frère de son père, son oncle Danaye.
Huit jours après la mère mourrait subitement. Suicide ? Empoisonnement ? On ne le saura jamais.
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Voilà Djanwale Danaye abandonné à lui-même…C’est à ce moment que son oncle le prit chez lui.
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A treize ans, le 30 juin 1962, Djanwale Danaye quittait l’école, nanti de son certificat de fin d’études primaires et de son entrée en 6ème classe. Cette 6è puis la 5è, il les fit au cours complémentaires de Dapaong grâce à une bourse. Après quoi, il fut admis au séminaire ou « petit claire », comme on le dit au Togo.
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Séminariste, il était partagé entre les fétiches de son oncle et le service du Christ ; très vite il revint à la maison où il resta avec son oncle qui l’aimait bien. Peu après, il subit une formation en mécanique auto et obtint son diplôme de mécanicien « généraliste ».
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Mais on oncle voulait bien faire de lui un féticheur. A quinze ans, il fut donc initié pour "charlater" ': soigner avec les plantes, deviner un oracle, etc… C’est à cette période également qu’il découvrit les tchitchili, fétiches de son père qui était sculpteur et qui les sculptait pour tout le clan.
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Au cours des années 60-70, le jeune Danaye devint le « maître à jouer » de sa région : il s’occupa des Cœurs Vaillants, des scouts, de la jeunesse du parti R. P. T. (Rassemblement du Peuple Togolais). C’est ainsi qu’il fit ses premiers pas dans le théâtre, le ballet et la musique.
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Très aimé de tous, il eut de la peine de quitter Dapaong pour suivre un stage de trois mois à Lomé : stage de théâtre et de danse, avec masques et marionnettes.
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Dès son arrivée, le jeune Danaye fut frappé et irrésistiblement attiré par les marionnettes articulées de la compagnie « Pomme verte ». Il refusa de suivre les autres disciplines : théâtre et danse. On menaça de le renvoyer chez lui. Il fut retenu grâce à quelques interventions….
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Après le stage, de retour chez lui à Dapaong, il créa sa première troupe de marionnettes. Celle-ci joua pour la première fois au cours d’une fête traditionnelle. Les vieux, les sages s’opposèrent à ce premier spectacle car ils y voyaient la profanation des fétiches. Mais les autorités locales intervinrent et le jeune Danaye fut, encore une fois, sauvé.
En 1975, on l’appela au Ministère de la Culture et il fut attaché à la Troupe Nationale. On lui demanda tout de suite ce qu’il voulait faire.
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- Moi, je voudrais monter une troupe de marionnettes et de masques ».
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- En voilà un paresseux ! Eh bien, qu’on l’affecte chez les délinquants au Centre de réinsertion sociale !
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Le jeune Danaye accepta avec joie ce poste.
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En 1978, un couple d’origine polonaise, vivant en France et travaillant au musée de L’Homme, arriva à Lomé. Ils découvrirent Danaye et ses marionnettes.
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Guidé, conseillé et aidé par Jacques Félix et ses nouveaux amis, Olenka et Denis, Danaye représenta le Togo – premier pays d’Afrique Noire participant à cette manifestation – au IV Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes à Charleville-Mézières. Il s’entoura de trois compagnons qu’il avait formés : Akakpo, Anani, Kotoko. Avant son départ pour la France, il avait reçu des consignes :
- Tu vas représenter le pays. Si c’est bon, c’est bon pour le pays. Mais si c’est mauvais, c’est mauvais pour toi !
Grâce à Dieu et aux hommes, ce ne fut pas un échec. Mais une réussite (bon pour le pays).
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De retour au Togo, sa troupe devint le Théâtre National de Marionnettes Togolaises. Par la suite, Danaye suivit un stage à Budapest en Hongrie, grâce à une bourse de l’UNIMA et l’aide de Margareta Niculescu, qui lui permet de se perfectionner.
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Ainsi, Danaye venait de choisir son chemin dans la vie. Et il sillonne désormais le monde entier avec ses tchitchili, tchitchavi.
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Vous qui venez de parcourir ces quelques lignes sachez qu’il ne veut rien faire d’autres que des marionnettes pour aider au développement de son pays et servir la paix dans le monde.
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Depuis des années, au Togo, il est au service des jeunes délinquants qu’il aide à se réinsérer dans leur milieu social.
En animant aussi l’atelier de marionnettes et de masques à l’Ecole des sourds muets Ephphaltha à Lomé, il essaie, à sa façon, de venir en aide à son prochain.
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Par ailleurs, ses spectacles avec ses marionnettes qu’il donne régulièrement dans les bibliothèques rurales, dynamisent la lecture publique et renforcent le combat pour l’alphabétisation.
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Ainsi réalise-t-il son rêve le plus cher : toute ma vie, rien que des marionnettes
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