Choc des civilisations et des conceptions artistiques
Les sociétés anciennes, restées proches de leurs traditions comme en Afrique, ont toujours conçu les objets comme chargés de symboliques, dépourvus de valeur monétaire. Ils représentaient une force, une puissance capable d'influer sur le destin de l'individu ou de la communauté tandis qu’en Occident, l'esthétique et la qualité artistique l'ont progressivement emporté sur la sacralité.
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Les cultures européennes, imprégnées de christianisme et de rationalisme, ont représenté les valeurs universelles dans beaucoup de pays jusqu’au sortir de la deuxième guerre mondiale.
Au 19 ème siècle et particulièrement au moment de l’impérialisme colonial, le discours et la vision des Européens sur l’Afrique et les Noirs ont été très négatifs. A partir des récits rapportés par les voyageurs et les missionnaires et largement diffusés dans l’opinion, l’Afrique est alors présentée comme un monde de mystères, d’hostilité et de peur avec des traits culturels choquants comme les coutumes sanglantes et le sacrifice humain – voire le cannibalisme. Administrateurs coloniaux et missionnaires participent au projet de construction d’une société analogue aux sociétés occidentales, notamment française. Les cultures africaines sont niées et placées au bas de l’échelle dans la hiérarchie des cultures.
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Pour combler le désir d'ailleurs des populations européennes, militaires, fonctionnaires de l'administration coloniale, civils, voyageurs abusent de leur pouvoir et de leurs privilèges. Pillés, les objets sont soustraits à leur contexte originel et désacralisés ; beaucoup arrivent en Europe sans information sur leur origine, leur fonction ou leur créateur.
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La barbarie coloniale se conjugue parfois avec un raffinement esthétique. Paradoxalement, plusieurs chefs-d’œuvre d’art africain demeurent accessibles grâce au pillage occidental. Si explorateurs, missionnaires, écrivains et colons ont tous beaucoup détruit, ils ont aussi butiné et conservé.
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C’est à Paul Morand qu’on doit l’une des plus remarquables descriptions consacrées à ces razzias coloniales. Lors de son voyage en Afrique Occidentale Française (première moitié du 20ème siècle), l’écrivain se rend chez les Mossi, où il assiste à une brillante chorégraphie masquée :
"Celle-ci est exécutée par six très beaux masques blancs, coupés en deux par une crémaillère, pareils à des casques grecs du temps des Atrides, surmontés d’une haute et unique corne d’un mètre cinquante ".
Grand amateur d’art « nègre », le célèbre voyageur s’en procure deux sur le champ, « facilement », car les villageois ont besoin d’argent pour payer l’impôt que leur réclame durement l’administration coloniale française. On demeure toutefois profondément troublé en découvrant dans quelles conditions se déroule cette transaction :
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Lorsque le chef du tam-tam arrête le danseur dont j’ai choisi le masque, on le lui ôte brutalement et la bête mystérieuse, l’être magique qui dansait, n’est plus soudain qu’un pauvre nègre en sueur, épuisé par l’effort, et qui, aveuglé par l’éclat de midi sort de la nuit de son masque comme d’un sanctuaire. Ces masques sur la tête de ces hommes, prenaient leur sens, rutilaient de leurs tons de terre rouge séchée, de kaolin, dans ce tintamarre, ce soleil, cette poussière. Maintenant, dans mes mains, leur vie est finie : ils sont devenus des objets d’art. (Paul Morand, 1928 : 153)
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Tout porte à croire que l’acquisition des marionnettes à cette époque donnait également lieu aux mêmes scènes d’émotion, de cynisme et de brutalité.
A la faveur de la colonisation, la pensée anthropologique, construite autour des descriptions des personnels, permet de mieux connaître les sociétés africaines grâce à de vastes enquêtes. La Mission Dakar-Djibouti dirigée par Marcel Griaule et Michel Leiris (1931 – 1933) traverse le continent africain du Sénégal à l’Ethiopie. Elle s’inscrit dans le contexte colonial en se donnant pour objectif la collecte des objets (3500) mais aussi la formation des administrateurs coloniaux, principaux partenaires de la mission sur le terrain. Les objets collectés, rituels ou sacrés mais aussi les objets du quotidien (tissages, poteries, outils de chasse et de pêche, instruments de musiques, jouets et poupées, spécimens botaniques et zoologiques…) sont envisagés comme des témoins de la civilisation matérielle et de la vie sociale des communautés indigènes. Quelques 6000 photographies, des films, des enregistrements sonores, des fiches d’observation de terrain (15 000), compléteront le fonds du Musée de l’Homme à Paris – maintenant le musée du Quai Branly Jacques Chirac. La mission marque profondément l’histoire de l’ethnographie française, mais aussi celle des sciences humaines, des musées et de l’histoire de l’art africain.
Un théâtre africain d’expression française naît à la même époque. A travers des Patronages, des Sociétés, des Amicales, des distributions de prix, des Jeunesses…, l’école et le théâtre missionnaire des années 1930 essaiment les thèmes liturgiques, bibliques, les comédies de boulevard, Guignol …Le théâtre universitaire de William Ponty (1935-1949) lui succède avec ses thèmes folkloriques et historiques joué dans une perspective ethnographique et récupéré par la stratégie coloniale. Plus tard, Keita Fodeba (1949-1953) monte des ballets théâtre dans l’axe de la négritude pour une perspective émancipatrice (Prosper Kompaoré, Formes de théâtralisation dans les traditions de Haute-Volta, Thèse de Doctorat de 3ème cycle, Sorbonne Nouvelle, Paris III, 1977.)
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L’on trouve dans des récits de voyage de la fin du 18è siècle, du 19ème et au début du 20 ème, chez des Gouverneurs (le Chevalier de Boufflers au Sénégal), chez des explorateurs (le Major Gray en Afrique Occidentale, Mage au Soudan Nigérian…) et par la suite chez des auteurs tels que Prouteaux, Charles Béart, Bernard Dadié,...(cités par Cornevin), des descriptions de pièces « souvent difficiles à nommer et à classer parmi nos catégories européennes » ( Henri Labouret) et aussi des formes profanes proches des marionnettes que nous connaissons. Dans une Afrique aux frontières poreuses, elles sont signalées çà et là dès le 14 ème.
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Entre les deux guerres, bien des interprétations contradictoires naissent sur ces sociétés. Les observations approfondies de Delafosse, Frobenius ou Léopold de Saussure atténuent la vision négative de l’Occidental sur l’Afrique. Peu à peu, les cultures et l’histoire africaines deviennent des lieux de recherche pour une meilleure connaissance de leurs peuples.
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Au sortir de la seconde guerre mondiale, un « relativisme culturel » né de l’anthropologie de terrain, affaiblit davantage une politique coloniale encore assimilatrice. Réveillées, les élites africaines réhabilitent les cultures et la personnalité négro-africaine et s’attachent surtout à montrer la signification de leur culture (Magloire Somé, Afrika Zamani, N° 9 et 10, 2001-2002, pp 41-59.
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Tous les états francophones d’Afrique Noire (17) qui accéderont à l’Indépendance (1958-1960), aborderont de manière inégale « les Arts du Spectacle » : le théâtre comme la marionnette. Dans un premier temps, ils restent très influencés par l’Occident dans leurs expressions (théâtre écrit en français ou en anglais) et dans leurs techniques (Guignol pour la marionnette…). Des anciens de l’école William Ponty occupent parfois des postes de ministres ou de Présidents et infléchissent la politique culturelle des pays. Mais ce sont surtout des universitaires, devenus dramaturges, une fois les études finies en Europe, qui rentrent au pays. Sensibilisés par les questions politiques, ils ont souvent acquis une culture marxiste ou socialiste et souhaitent participer au mouvement des Indépendances. C’est sur ce terreau favorable qu’ont lieu les tournées des compagnies européennes, l’assistance technique occidentale et sous l’impulsion plus ou moins forte des gouvernements, la création de compagnies nationales et l’encouragement des troupes amateurs.
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Dans les années 1970-1980, des politiques culturelles sont initiées un peu partout en Afrique de l’Ouest, avec plus ou moins de moyens mais une grande volonté identitaire.
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